en parlant de chasse aux phoques ...
La saison 2008 de chasse au phoque débutera vendredi aux Iles-de-la-Madeleine
CAP-AUX-MEULES, Québec — La saison 2008 de chasse aux phoques du Groenland débutera vendredi aux Iles-de-la-Madeleine.
Le chasseur Denis Eloquin, capitaine du bateau Jean-Mathieu, anticipe des conditions difficiles étant donnée l'épaisseur de la banquise. De plus, il pense qu'une partie du troupeau serait déjà sur le point de sortir du Golfe Saint-Laurent.
Le quota de chasse des escouades des Iles-de-la-Madeleine s'élève à 15 300 têtes, en hausse de six pour cent par rapport à l'an dernier.
Pour sa part, le vice-président de l'entreprise TAMASU, Paul Boudreau, dit être prêt à signer des contrats d'approvisionnements avec les chasseurs pour éviter qu'ils ne livrent leurs peaux à Terre-Neuve-et-Labrador, comme ce fut le cas l'an dernier pour plus du tiers d'entre eux.
Par ailleurs, TAMASU est engagée dans un projet de recherche et développement initié par des chirurgiens-cardiologues grecs visant à utiliser les valves de coeur des phoques du Groenland en remplacement des valves porcines ou bovines, pour les transplantations cardiaques.
Le coeur des mammifères marins est de grosseur égale à celui de l'humain et selon certaines hypothèses, la transplantation de ses valves aurait une durée plus longue que les 10 à 15 ans de vie utile des traditionnelles valves biologiques utilisées en médecine.
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3 chasseurs de phoques des Iles-de-la-Madeleine perdent la vie en mer
CAP-AUX-MEULES — Trois chasseurs de phoques des Iles-de-la-Madeleine ont perdu la vie dans la nuit de samedi au large du Cap Breton, en Nouvelle-Ecosse, et un autre est porté disparu, quand leur bateau a fait naufrage.
L'Acadien II se faisait remorquer par un brise-glace, quand il s'est renversé à 40 milles nautiques au nord de Sydney. L'opération avait été rendue nécessaire en raison d'un problème de gouvernail.
Deux membres d'équipage du bateau ont pu être secourus. Samedi après-midi, l'équipe de recherche et sauvetage de Gander, à Terre-Neuve, a pris la relève de l'opération de recherche du marin porté disparu, Carl Aucoin. L'opération était, jusque-là, dirigée depuis Halifax. Des plongeurs ont sillonné le golfe dans l'après-midi pour retrouver le disparu. Les recherches ont été interrompues vers 18 h 00 (heure locale).
"Nous avons ratissé la zone intensivement mais nous n'avons pas pu localiser l'individu manquant", a commenté le pilote de l'hélioptère de sauvetage Cormorant qui s'est posé aux Iles samedi soir, le major Darrell Collins.
Le ministre québécois de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation, Laurent Lessard, a déclaré être bouleversé par ces événements. Il entend rendre visite aux Madelinots, prochainement, pour démontrer qu'il partage leur peine.
Par ailleurs, une autre embarcation a lancé un appel de détresse, samedi matin, dans le même secteur. Un brise-glace s'est porté à son secours, avec succès.
Le maire des Iles-de-la-Madeleine, Joël Arseneau, a identifié les trois victimes dont les corps ont été repêchés. Il s'agit du propriétaire du bateau, Bruno Bourque, du capitaine et chasseur dans la cinquantaine, Gilles Leblanc, et du chasseur dans la vingtaine, Marc-André Deraspe. Le jeune homme était un hockeyeur talentueux des Tigers de Restigouche (N.-B.) qui venait de recevoir des offres de la Ligue de la Côte Est, et espérait accéder à la Ligue américaine.
"Nous sommes bien sûr en état de choc ici, a déclaré le maire en entrevue à La Presse Canadienne. C'est la communauté au grand complet qui pleure la mort de trois ou quatre citoyens des Iles et des amis."
Bruno Pierre Bourque, qui a survécu à la tragédie mais qui y a perdu son père, a raconté le fil des événements avec émotion en entrevue à RDI.
"Le bateau a stoppé sur un gros morceau de glace, et le brise-glace continuait à mettre de la pression, a confié le jeune homme. C'était la nuit. On voyait mal. Le morceau s'est tassé tout de suite en avant de nous autres. Avant de contacter le brise-glace, on a fait ce qu'on a pu. Ca n'a pas marché. Le bateau a chaviré bout pour bout. Je tenais la roue et il y en a qui dormaient dans le bateau."
Un bateau de secours qui suivait a repêché rapidement Bruno Pierre Bourque et un autre membre de l'équipage.
"Nous avons tenté de les réchauffer, ils ne disaient pas grand-chose", a commenté Paul Dickson, le fils du capitaine du bateau Madelinot War Lord, qui les a sauvés.
"Nous n'avions pas l'équipement pour faire quoi que ce soit, a ajouté M. Dickson. Nous avons fait un trou dans la coque du bateau (chaviré) pour y avoir accès, mais cela n'a pas fonctionné."
Paul Dickson a dit avoir vu l'Acadien II heurter un morceau de banquise quelques minutes avant la deuxième collision, qui fut fatale.
Le maire des Iles-de-la-Madeleine a déclaré qu'il aurait beaucoup de questions à adresser à la Garde côtière canadienne et qu'il s'attendait à ce qu'il y ait une enquête. Joël Arseneau s'est demandé pourquoi les marins étaient restés sur le bateau pendant qu'il était remorqué.
Le maire a confié que les capitaines de bateau étaient bien conscients des conditions dangereuses de la chasse cette année en raison de l'épaisseur de la glace. Il y a presque une barrière de glace entre les îles et les secteurs de chasse, a-t-il indiqué.
L'Acadien II faisait partie d'une flotte de 16 bateaux qui avait quitté les Iles pour la chasse mercredi et jeudi.
Joël Arseneau a affirmé que les chasseurs avaient annulé le reste de la saison et que les bateaux revenaient à la maison en solidarité avec les disparus.
Un vétéran de la chasse aux phoques à Terre-Neuve a décrit l'incident comme inhabituel mais a affirmé qu'être remorqué dans la glace épaisse pouvait être "très très dangereux".
"Il faut faire attention à un certain nombre de choses, mais je crois comprendre que la garde côtière vous remorque à vos propres risques", a souligné Mark Small.
M. Small, qui pratique la chasse depuis plus de 50 ans, a confié avoir été remorqué dans le passé, et que les membres de l'équipage restaient alors à bord du bateau.
Le ministère fédéral des Pêcheries a confirmé que la glace est particulièrement épaisse cette année dans le golfe du Saint-Laurent. Jusqu'à 92 000 phoques peuvent être capturés durant la première phase de la chasse.
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La guerre des phoques
Photo David Boily, La Presse
Émilie Côté
La Presse
Cap-aux-Meules, Îles-de-la-Madeleine
La chasse au phoque s'est ouverte vendredi au large des Îles-de-la-Madeleine. Comme chaque année, des groupes de protection des animaux ont mobilisé des hélicoptères pour filmer les chasseurs. Avant qu'ils ne partent en mer, notre journaliste et notre photographe ont rencontré des Madelinots qui n'en peuvent plus de passer pour des meurtriers. Face à leurs opposants, ils se sentent comme David devant Goliath.
Mardi soir dernier, la nuit est tombée. Denis Arseneau travaille à la sueur de son front dans son étable. L'homme de 39 ans fait sa routine avant d'aller se coucher. Le lendemain, il doit partir en bateau pour la chasse au phoque.
Le Madelinot travaille fort. Son métier, c'est la pêche. Mais il a aussi une fermette pour répondre aux besoins de sa famille. «Je suis debout à 5h et je me couche à 23h. Sauf que je mange de la viande sans hormones de croissance et sans antibiotiques, dit-il en haussant le ton. Puis après ça, je me fais traiter de barbare et de criminel!»
Comme tous les chasseurs de phoques madelinots - ou plutôt de loups-marins, dit-on aux Îles -, Denis Arseneau est excédé de passer pour un sanguinaire et un sans-coeur dans les médias du monde entier. Surtout lui, qui est très proche de la terre. «La chasse au phoque, c'est la même affaire que tuer une vache. Va à l'abattoir, tu vas voir!»
Si la chasse est bonne, Denis Arseneau peut gagner 2000$ en deux ou trois jours. «Quand tu gagnes 25 000$ par an, c'est beaucoup», souligne le père de famille.
Pour lui, la chasse au phoque marque le début du printemps et l'Avent de la saison de pêche. C'est une tradition qui lui est chère. Mais ce n'est pas une partie de plaisir pour autant. «Quand je pars et que je laisse ma femme et mes enfants, je suis comme un homme qui part sur le front, dit-il. C'est un gagne-pain qu'on va chercher, pas un trophée.»
Pendant que M. Arseneau travaille dans son étable, Claude Déraspe prépare son bateau pour le grand départ au quai de Cap-aux-Meules. «Es-tu pour ou contre la chasse?» nous demande-t-il d'emblée. C'est souvent la première question qui attend un journaliste qui approche un chasseur de loup-marin aux Îles-de-la-Madeleine. Car au fil des années, bien des Madelinots se sont sentis lésés.
«C'est frustrant du plus profond du coeur, confie M. Déraspe. Les êtres des Îles-de-la-Madeleine sont les plus doux de la planète. Nous ne sommes pas méchants.»
«David contre Goliath.» C'est ainsi que Denis Longuépée, représentant de l'Association des chasseurs de loups-marins, décrit la position des siens face aux groupes contre la cruauté envers les animaux. «Nous n'avons pas leurs moyens.»
Les chasseurs madelinots les ont appelés des «animalistes», puis des «abolitionnistes». Cette année, tous se sont passés le mot: les membres de ces groupes sont des «profiteurs».
«Ils ne veulent pas abolir la chasse, c'est leur gagne-pain. Ils font des millions par année avec les cartes de membre», indique le boucher et chasseur Réjean Vigneau, aussi rencontré chez lui la veille de son départ.
Rebecca par-ci, Rebecca par-là
«Rebecca est venue hier.» «Rebecca est où?» Écoutez une discussion entre chasseurs de phoques et vous entendrez inévitablement parler de «Rebecca». Ils ont beau l'appeler par son petit nom, les chasseurs et Rebecca ne sont pas à inviter au même party.
Rebecca Aldworth est la coordonnatrice pour le Canada des activités de la Humane Society of the United States (HSUS). C'est cet organisme qui a invité Paul McCartney et son ex-femme Heather Mills sur la banquise, il y a deux ans.
À l'heure actuelle, toute la page d'entrée du site internet de l'organisme est consacrée au «pire massacre de mammifères marins sur Terre». La HSUS demande même au public de boycotter les fruits de mer canadiens. «Le gouvernement canadien bloque l'accès aux journalistes et aux défenseurs des droits des animaux», peut-on y lire. Et au bas de la page, on invite les gens à acheter un t-shirt «SOS Sauvons les phoques».
Paul Watson est tout autant détesté des Madelinots. Considéré comme un militant écologiste par les uns, comme un écoterroriste par les autres, il est le fondateur de la Sea Shepherd Conservation Society. Comme à chaque année, il se trouve présentement à bord de son bateau, le Farley Mowat. Mais le gouvernement canadien l'a à l'oeil.
De son côté, «Rebecca» a passé la semaine à Charlottetown, comme à l'habitude. «Nous ne pensons pas que la chasse peut être faite de façon humaine», a-t-elle dit à La Presse lors d'un entretien téléphonique, avant-hier. «La chasse se fait trop vite. C'est une course pour tuer les phoques.»
Selon elle, Pêches et Océans Canada est en «conflit d'intérêts». «Il surveille la chasse et il en fait aussi la promotion, plaide-t-elle. De plus, les agents habitent dans la communauté des chasseurs. Ils sont leurs amis, des membres de leur famille.»
Un conflit qui dure
Durant la chasse, Pêches et Océans patrouille les glaces afin de s'assurer que les techniques de chasse sont respectées. Mais les agents surveillent aussi les gens qui ont un permis d'observateur. Le Ministère se retrouve donc au coeur du conflit. «Cette année, les groupes de défense ont six hélicoptères», a indiqué à La Presse le chef de la conservation et de la protection, Jean Richard.
«Les hélicoptères n'ont pas le droit de perturber la chasse et de faire du rase-mottes devant le bateau, explique-t-il. Et au sol, les observateurs ne peuvent s'approcher à moins de 10 mètres d'un chasseur.»
Il est arrivé que des chasseurs perdent patience devant les caméras des groupes anti-chasse. Mais les images ne disent pas tout, indique Réjean Vigneau. «Travailler la glace pour rejoindre une colonie de 15 à 20 bêtes, ça peut prendre deux heures. Là, l'hélicoptère arrive et vient tout gâcher en leur faisant peur.»
Sophie Fortier est biologiste et directrice de l'Aquarium des Îles. Selon elle, les chasseurs sont impuissants face à la force médiatique et aux moyens financiers des groupes comme HSUS. «Les Madelinots sont habitués de travailler de longues heures. Ce sont des gens sensibles, qui n'ont pas l'habitude d'argumenter.»
«Qui se soucie des chasseurs?» lance-t-elle.
La Humane Society a les moyens de déployer plusieurs hélicoptères sur les banquises et d'inviter des célébrités comme Paul McCartney. Ils sont habitués de s'adresser aux médias. De leur côté, les chasseurs font ce qu'ils peuvent. Par exemple, l'Association n'a pas de site internet. «Dernièrement, nous avons eu une formation de porte-parole pour mieux parler aux journalistes», explique leur représentant, Denis Longuépée.
Le Centre local de développement de la municipalité a payé pour cette formation. «Les chasseurs n'ont pas comme profession de parler aux médias, explique le maire, Joël Arseneau. Lutter contre les grandes ressources financières des groupes environnementaux est compliqué. Ils maîtrisent les médias. C'est une lutte difficile mais qu'on fait sans hargne. On le fait de façon fière, à la mesure de nos moyens.»
C'est difficile pour les Madelinots de faire entendre leur voix. Mais l'an dernier, il y a eu le documentaire de Raoul Jomphe, Phoque, le film, qui a montré leur côté de la médaille. Le cinéaste a fait valoir, entre autres exemples, que le salaire du président de la Humane Society frisait les 500 000$.
Pas de prix
Certains Madelinots sont blessés par tout le débat sur la chasse au phoque. Réjean Vigneau rappelle ces paroles de Brigitte Bardot: «Les gens des Îles seraient assez cruels pour entrer dans une pouponnière et tuer des enfants avec un morceau de bois.»
«Imagine-toi. Nous autres, nous sommes aux Îles, et on entend ça à la télé.»
Selon Rebecca Aldworth, Ottawa doit interdire la chasse au phoque et compenser financièrement les chasseurs. Les Îles doivent davantage miser sur l'écotourisme. «Plus de gens iraient voir les phoques s'ils savaient qu'ils ne seront pas tués», dit-elle.
Mais au-delà de l'argent, du pour, du contre, et de l'image du Canada, la chasse est dans les tripes des Madelinots, conclut le chasseur Claude Déraspe. «Même si tu me donnais 40 000$ pour ne pas chasser... Mon grand-père chassait, mon père aussi. Ça fait partie de moi.»